L’avènement des Zones à Faibles Emissions mobilité s’inscrit dans cette lignée, de nombreuses questions restant sans réponses quant aux impacts sociaux des réglementations à venir. Le sujet est d’autant plus sensible que 75 % des Français.es. ne connaissent pas l’existence de ce dispositif et que les acteurs chargés de le mettre en œuvre connaissent mal les publics pouvant rencontrer des difficultés de mobilité.
Or, 43 agglomérations doivent mettre en place une Zone à Faibles Emissions mobilité sur leur territoire d’ici 2025, ce qui signifie que 45 % des Français.e.s seraient directement concerné.e.s.
Dans un tel contexte, il semble plus que nécessaire de prévenir les tensions sociales qui pourraient accompagner les ZFE-m afin de permettre aux agglomérations de les déployer sereinement et dans les échéances prévues et ainsi d’atteindre les impacts positifs qu’elles se fixent sur la qualité de l’air, sur la santé et sur l’environnement. On notera d’ailleurs que différentes études Objet inconnu pointent la surexposition des personnes à bas revenus à une mauvaise qualité de l’air, montrant ainsi que les premières personnes qui « subiraient » les incidences négatives des ZFE-m seraient aussi les premières à bénéficier de leurs incidences positives.
Au-delà de ces impacts attendus, le contexte de la mise en œuvre des Zones à Faibles Emissions est une véritable opportunité de réinterroger notre système de mobilité au prisme de la justice sociale.
Objectifs de l’exploration
L’objectif principal de la démarche exploratoire est de sortir du flou auquel sont confrontés les acteurs chargés de mettre en œuvre les ZFE-m, quant aux territoires et aux publics concernés, ainsi qu’aux solutions qui peuvent être proposées.
Au cœur du projet est prévue une expérimentation, sur trois territoires différents, avec au total 60 ménages « à risque » à qui seront proposées différentes solutions de mobilité alternatives de manière à faciliter leur appropriation de la ZFE.
Pour y parvenir, il sera nécessaire de définir les critères de recrutement de ces ménages, pour tenir compte de différentes réalités vécues et intégrer notamment des ménages dont au moins l’un des actifs est contraint par une forte mobilité motorisée (artisans, services à la personne par exemple). Le suivi des ménages permettra de mettre en évidence des zones fragiles avec comme intuition que les périphéries des cœurs de ville, les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les communes peu denses et les territoires voisins de la ZFE concentrent des situations de dépendance à la mobilitéObjet inconnu . Il sera également essentiel de construire les conditions de mise à disposition de solutions à expérimenter, qui pourront relever de plusieurs champs : solutions de transport – vélos, vélos à assistance électrique, vélos cargo, solutions de partage de la voiture (covoiturage, autopartage), accès aux transports collectifs, accès à la prime à la conversion – ; facilitation des déplacements – politique tarifaire, conseil et accompagnement ; limitation des déplacements – identification de solutions de proximité, démobilité.
Une large démarche partenariale
Pour réussir ce projet, un large partenariat est nécessaire et de nombreux acteurs ont déjà choisi de soutenir l’exploration.
L’ADEME et le Ministère de la Transition Ecologique (Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mobilité) co-financent le projet. La Direction Générale Energie Climat du Ministère a par ailleurs décidé de financer un complément d’étude sur la question du non-recours à la prime à la conversion, qui sera réalisé sur les Métropoles de Grand Paris et de Lyon.
Deux Métropoles se sont déjà engagées à accueillir l’exploration et à la co-financer : Montpellier Méditerranée Métropole et Limoges Métropole. Un troisième territoire doit encore être mobilisé.
Le réseau Cyclable, qui mettra à disposition du matériel haut de gamme (vélos à assistance électrique, vélos cargo), et l’association Wimoov, qui mobilisera ses compétences en accompagnement à la mobilité de publics fragiles, sont partenaires opérationnels du projet.
Enfin le Laboratoire de la Mobilité inclusive soutient l’exploration de par son expertise des sujets abordés et sa capacité à mobiliser les réseaux de ses 14 membres, tandis que le Laboratoire Ville Mobilité Transport – Université Gustave Eiffel est mobilisé sur le volet scientifique du projet.
Enfin, au plan local, des partenariats opérationnels devront être initiés dans une logique d’écosystème afin de faciliter l’identification et le recrutement de ménages volontaires ainsi que de mettre en place les solutions de mobilité à expérimenter.
L’exploration durera 18 mois de décembre 2022 à mai 2024. Elle est portée par l’association Auxilia, entreprise sociale et cabinet de conseil membre du Groupe SOS. Auxilia accompagne la transition systémique des territoires et collectivités, c’est-à-dire une transition écologique mais aussi économique, sociale et démocratique. L’ensemble des productions issues de l’exploration sera publié sous licence Creative commons afin de faire bénéficier ses enseignements à tout acteur intéressé.
Sources :
- Baromètre des Mobilités du Quotidien commandité par la Fondation pour la Nature et l’Homme et Wimoov
- Etude « Mobilité : comment concilier inclusion et transition ? » pilotée par le Laboratoire de la Mobilité Inclusive
- Cornut P., Bauler T., Zaccaï E., Environnement et inégalités sociales », Editions de l’Université de Bruxelles, 2007 ; Verbeek, T., Unequal residential exposure to air pollution and noise: a geospatial environmental justice analysis for Ghent, Belgium. SSM-population health, 7, 100340, 2019
- Gallez, C., La mobilité quotidienne en politique. Des manières de voir et d’agir, Thèse d’habilitation à diriger des recherches en aménagement de l’espace et urbanisme, Université Paris-Est, Soutenue le 5 juin 2015, ENPC, Marne-la-Vallée, 2015.