En France, le secteur de la santé serait responsable de 8 % de l’impact carbone national. Face à cet enjeu, des initiatives locales et, plus récemment, des appuis nationaux se déploient pour que le secteur de la santé réduise, lui aussi, son impact sur le climat. Parallèlement, la recherche s’intéresse à la gestion de la santé en situation de crise environnementale
Il y a moins d’un an, le premier programme national de soutien au développement durable dans les établissements de santé était lancé par l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements sanitaires et médico-sociaux (ANAP). Son succès immédiat – sur lequel nous reviendrons, est l’occasion de porter un regard sur l’engagement des acteurs du secteur et sur les défis à venir. En s’adressant à l’ensemble du territoire national, il constitue en tout état de cause un changement d’échelle majeur dans les efforts de réduction du bilan carbone de la santé en France.
uNE émergence sous l’impulsiond’initiatives individuelles
Pendant des décennies, le secteur de la santé semble être passé au travers des radars de l’objectif de réduction de l’impact environnemental assigné à tous les autres secteurs. Or son impact sur l’environnement est loin d’être négligeable avec 46 millions de tonnes équivalent CO2 par an en France, soit à peu près 8 % de l’impact national, selon le Think tank The Shift Project. Un chiffre qui a été reçu comme une déflagration dans un secteur où l’on se préoccupe particulièrement des conséquences du changement climatique sur la santé. Depuis plusieurs années, quelques établissements et praticiens se mobilisent déjà, tiraillés entre le devoir de soigner et les pollutions engendrées par leurs activités. Le Centre Hospitalier de Niort, les CHU de Bordeaux et de Rennes ou encore l’APHP sont reconnus comme des précurseurs. Chacune à leur manière, ces démarches locales inventent des modes de fonctionnement pour une santé plus durable et résiliente. Parmi celles-ci, des initiatives expérimentales ont été portées par des communautés de praticiens pour penser des organisations collectives qui réduisent l’impact environnemental des soins et s’attaquent aussi à l’isolement social. Sur les territoires ruraux par exemple, des regroupements adaptent la consommation en médicaments en apportant directement la juste dose au bon moment et au bon patient, à l’instar de l‘association P4pillon sur le Plateau de Millevache dans le Limousin. Une démarche individualisée qui incarne aussi une nouvelle approche de la santé : plutôt globale que du seul soin où est aussi considérée l’importance des interactions sociales pour la santé des individus, particulièrement dans des zones isolées.
des coopérationstissées sur les territoires
En parallèle et face au besoin de soutien de ces acteurs de la santé, des outils hétérogènes pour financer des démarches de développement durable se sont progressivement adaptés au secteur. La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), spécialisée dans les services publics locaux en réseau, a par exemple développé des aides dédiées à la rénovation énergétique des établissements de santé publique.
En Pays de la Loire, la Mission d’appui à la performance des établissements sanitaires et médico-sociaux (MAPES), financée par l’Agence régionale de la Santé des Pays de la Loire, en collaboration avec l’ADEME, les syndicats d’énergie des Départements et de nombreux partenaires, a développé depuis plusieurs années un accompagnement spécifiquement lié à la RSE : mise en réseau, formations et ingénierie avec le soutien de conseillers énergie.
Une démarche similaire s’est déployée en Nouvelle-Aquitaine avec l’association “Agir Durablement en Santé en Nouvelle-Aquitaine” (ADSNA), créée sous l’impulsion du Responsable Développement durable du Centre Hospitalier de Niort, permet de rassembler les acteurs de la région, de créer des liens avec des organismes de soutien – comme la FNCRR, de créer des synergies, d’optimiser les projets, de partager les bonnes pratiques, de soutenir les dynamiques.
le premier programme nationald’accompagnement au développement durable
Fin 2021, l’ANAP a lancé le premier programme national d’accompagnement en développement durable, en collaboration avec le Comité pour le développement durable en santé (C2DS). Auxilia et son partenaire le cabinet de conseil CMI ont été sélectionnés par l’ANAP pour réaliser l’appui terrain Développement durable auprès des établissements sanitaires et médico-sociaux. Dès son annonce, quelque 450 établissements se sont portés candidats.
Si les enjeux sont multiples – économies d’énergie, isolation des bâtiments, limitation du gaspillage alimentaire, des déchets, réduction des émissions de gaz à effet de serre liées aux transports, au bâti mais aussi aux médicaments et aux dispositifs médicaux, les bénéfices le sont aussi. Un établissement qui s’engage dans une démarche globale de développement durable va optimiser son fonctionnement, développer une organisation plus transversale et moins en silos, donc plus agile et attractive pour les professionnels ; et se préparer à être plus résilient face aux aléas. Or les crises environnementales – sans parler de la crise économique et énergétique qui s’intensifient, appellent nécessairement à une nouvelle culture de la résilience.
la gestion de la santéen situation de crise environnementale
Adapter le secteur et son écosystème français aux conséquences du changement climatique et spécifiquement aux crises climatiques apparaît comme un second signal faible. Il en est encore au stade de l’expérimentation. Il est attendu des services de santé d’être opérants 24h/24, 7j/7, 365 jours par an. Or en période de crise – une inondation, une canicule, un pic de pollution extrême voire une cyberattaque, pour ne citer que celles-ci, le personnel, les infrastructures, les accès sont fragilisés. Comment opérer en mode dégradé ? Comment prioriser l’activité ?
Des chercheurs s’intéressent à des modalités de prise en charge plus basiques tout en remplissant le service attendu. Ils observent notamment ce qui peut être pratiqué dans des pays qui ont nettement moins de moyens et de ressources que la France. L’ADEME de son côté, dans son dernier dossier sur les démarches low tech, dédiait un chapitre au secteur de la santé. Dernière illustration et non des moindres de ce signal émergent, l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP) a créé en mai dernier la chaire Résilience en Santé, Prévention, Environnement, Climat et Transition (RESPECT) en partenariat avec AÉSIO Mutuelle, le Shift Project et AirParif.
Et de poser la problématique suivante : comment assurer une accessibilité durable à la santé dans un contexte d’augmentation des risques sanitaires et des besoins de santé liés aux changements environnementaux, et de tension sur les ressources ?
Une tribune rédigée par Agnès Giffard, précdemment cheffe de projets senior Santé durable et résiliente chez Auxilia, intervenante formatrice Climat et santé – École des hautes études en santé publique (EHESP)
Pour aller plus loin : « Décarboner la santé pour soigner durablement », Shift Project (novembre 2021), avec la collaboration d’Agnès Giffard.
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