Exploration « Familles ZFE » : une immersion dans le quotidien de ménages concernés par les zones à faibles émissions

50 familles ont expérimenté des alternatives à la voiture dans trois territoires pilotes. Alors que la mise en place des Zones à Faibles Émissions (ZFE) transforme en profondeur la mobilité urbaine, une question reste en suspens : comment ces réglementations impactent-elles les ménages les plus vulnérables ? Pour répondre à cette interrogation, Auxilia a mené une exploration inédite sur trois territoires aux contextes variés – Lyon, Limoges et La Rochelle – en impliquant directement 50 ménages dans une expérimentation grandeur nature.

Votre auteur et interlocuteurMarc FONTANES

Marc FONTANES

Directeur général adjoint en charge des expertises Mobilités ; Eau & biodiversité, Energie & climat

Un projet né d’une intuition, la prise en compte des publics les plus vulnérables constitue un angle peu visible des réglementations sur la qualité de l’air

Cette intuition se construit dès la crise des “gilets jaunes” et se renforce avec l’observation dans de multiples projets, des problématiques de mobilités que rencontrent nombre de Français.e.s. L’arrivée des ZFE fait alors l’effet d’une bombe à retardement dont les répercussions sociales sont encore très incertaines. C’est dans ce contexte qu’Auxilia décide de lancer cette exploration avec une proposition simple : accueillir sur un territoire une expérimentation impliquant une vingtaine de ménages vulnérables motorisés pour leur proposer un panel de solutions alternatives de mobilité à tester dans différents contextes.

Lyon, Limoges, La Rochelle, 3 territoires aux caractéristiques bien distinctes

Lyon a l’obligation d’instaurer une ZFE assortie d’un calendrier minimum d’interdiction tandis que Limoges est concernée uniquement par l’obligation ZFE. La Rochelle n’est elle, pas soumise à une obligation ZFE mais souhaite faire évoluer en profondeur sa politique de stationnement. Ces 3 territoires ont également l’intérêt de présenter des caractéristiques très différentes de densité urbaine, de géographie ou encore de niveau de développement des offres alternatives à la voiture.

50 ménages expérimentent des solutions alternatives à la voiture individuelle.

Afin de participer à l’expérimentation, les ménages devaient respecter deux conditions : être concernés par la ZFE ou l’extension de la zone horodatée à La Rochelle et résider dans les zones de vulnérabilité pré-identifiées. L’objectif est ensuite de proposer gratuitement à ces ménages un bouquet de solutions de mobilité alternatives à la voiture individuelle. Afin de garantir une bonne appropriation des solutions de mobilité par les ménages et d’assurer leur maintien dans l’expérimentation, entre 3 et 4 mois selon les territoires, un accompagnement individuel a été mis en place.

Comprendre les spécificités et fragilité d’un territoire : l’importance des évaluations socio spatiales

La réalisation sur chaque territoire d’un diagnostic territorial approfondi nous a permis de tirer plusieurs enseignements : l’évaluation commune par commune met en lumière que la vulnérabilité face aux ZFE augmente à mesure que l’on s’éloigne de la ville centre des agglomérations ; cette vulnérabilité augmente également de manière inverse au niveau de revenus avec une corrélation observée sur les trois territoires entre possession de véhicules anciens et faible revenu ; il y a un fort enjeu à intégrer au diagnostic les territoires extérieurs aux métropoles concernés eu égard à leur très grand pouvoir d’attraction.

Une expérimentation révélatrice des difficultés à sortir du système “tout voiture”…

Cette exploration a mis en évidence que si les ZFE souhaitent poursuivre un objectif de réduction de la place de la voiture, elles doivent s’accompagner de changements structurels dans l’offre de mobilité afin d’articuler finement le développement d’une offre alternative et le renforcement de la contrainte pesant sur l’automobile. En effet, notre bouquet d’offres théoriques a parfois été confronté à la réalité de l’offre de mobilité sur les territoires d’expérimentation avec une absence de certaines offres ou la présence d’une offre en silo compliquant le passage d’un mode de transport à un autre. D’autres freins à la sortie du système “tout voiture” ont également été identifiés. Ainsi, pour plusieurs ménages les solutions alternatives à la voiture (bien que existantes) étaient perçues comme une charge mentale supplémentaire et une source de stress les conduisant à préférer continuer d’utiliser leur voiture au quotidien, voire en racheter une.

Et de l’invisibilité des ménages les plus impactés par les ZFE

Les difficultés de recrutement dans le cadre de l’expérimentation ont permis de constater que les publics qui font face aux restrictions de circulation sont en grande majorité en dehors de tout circuit d’accompagnement. Ce constat est un enseignement majeur de l’exploration : avant même d’envisager un accompagnement de ces publics via une offre de conseil en mobilité, d’aides ciblées, etc., il convient de créer un réseau d’acteurs à même de les identifier en amont.

“L’exploration “familles ZFE” nous a permis d’identifier plusieurs tensions à l’œuvre entre l’objectif d’amélioration de la qualité de l’air porté par les ZFE et le risque social que ces dernières font peser sur les ménages concernés. Si nous avons su développer plusieurs outils afin d’anticiper et de limiter ce risque : réalisation d’études socio-spatiales, accompagnement personnalisé, mise à disposition d’une large offre d’alternatives, etc., il nous paraît nécessaire de ne pas cantonner l’enjeu indispensable de l’amélioration de qualité de l’air aux seules ZFE mais bien d’agir plus largement en faveur de la réduction de la place de la voiture afin de répartir de manière plus égalitaire les efforts demandés.” – Marc Fontanès, Directeur général adjoint en charge des expertises Mobilités, Eau & biodiversité, Energie & climat, Economie circulaire chez Auxilia.

Nos recommandations :

  • Intégrer systématiquement une évaluation socio spatiale approfondie dans la préfiguration des politiques publiques de régulation de la voiture.
  • Analyser les impacts des ZFE au-delà des frontières de la Métropole (flux, vulnérabilités) et mettre en place des démarches de coopération inter-EPCI.
  • Mettre en place des politiques d’aménagement du territoire qui favorisent l’intermodalité, indispensable aux ménages résidant loin des centres-villes et souhaitant se passer de leur voiture.
  • Simplifier le parcours utilisateur en tendant vers un titre unique de transport, une application unique, une inscription unique pour accéder à toute l’offre de transport disponible.
  • Développer ou massifier un accompagnement et un conseil mobilité sur l’ensemble du territoire en s’attachant à proposer des antennes « physiques » à différents endroits de l’agglomération, au plus près des ménages particulièrement précarisés.
  • Cibler les ménages “invisibles” impactés par la ZFE : mettre en place une stratégie “d’aller-vers”, en particulier dans les zones vulnérables identifiées (QPV, communes éloignées du centre, etc.) et cibler ces ménages par d’autres canaux (garages, vélocistes, lors de l’envoi de contravention, etc.).

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