Depuis plusieurs années, Auxilia, la Banque des Territoires et leboncoin portent conjointement le dispositif « Mon centre-ville a un incroyable commerce », qui vise à lutter contre la désertification des centres-villes et des centres-bourgs.
Après plus de 70 éditions dans toutes les Régions de France, 600 projets accompagnés et une boutique ouverte, Ella Bassler dresse le bilan.
« Incroyable Programme »quesako ?
L’idée d’Anthony Puppo, notre collègue en charge de ce programme qui prend aujourd’hui différentes formes, c’est de contribuer à lutter contre la désertification que les centres-villes connaissent depuis plusieurs décennies avec l’ouverture des centres commerciaux de périphérie, et donc de pallier la vacance commerciale.
Pour ce faire, le programme « Mon centre-ville a un incroyable commerce » prend la forme d’un événement qui permet d’aider des personnes à accélérer leur projet de commerce et d’artisanat. La première édition a eu lieu en 2018 à Chaumont, en Haute-Marne.
Depuis 2019, la Banque des Territoires, via le label « Action cœur de ville », et leboncoin sont partenaires à chaque événement. Au départ, on touchait plutôt des villes de 15 000 à 100 000 habitant·es. A partir de 2021, les centres-bourgs sont entrés dans la danse avec la déclinaison « Mon centre-bourg a un incroyable commerce ». C’est aujourd’hui ce programme qu’on déploie le plus. Il s’adresse aux villes « Petites villes de demain », un autre label donné par l’État aux très petites communes pour les aider à financer certains projets comme le nôtre. On touche des villes beaucoup plus petites, jusqu’à 1 500 habitant·es. Au total, on a organisé plus de 70 éditions, dans 70 villes différentes, dans toutes les Régions de France, y compris outre-mer, à La Réunion et Mayotte. De par notre convention avec la Banque des Territoires, l’idée c’est de quadriller également tout le territoire, donc on se restreint à une ville par département par an maximum. Certaines villes, comme Cambrai, organisent même un événement tous les ans
Comment ces événements se déroulent-ils concrètement ?
L’idée centrale, c’est de créer un événement qui dure un jour et demi, toujours un vendredi et un samedi matin, afin de réunir tous les acteurs locaux pertinents pour faire accélérer les projets et accompagner leurs porteurs. Le point de départ, c’est que la collectivité organisatrice (une ville ou une communauté de communes) souhaite trouver une utilité aux locaux vacants du centre-ville.
Pendant ces trois demi-journées, les porteurs de projet travaillent sur leur modèle économique, font une étude de marché, réfléchissent à leur offre, définissent leur clientèle, élaborent un plan de communication, font leur projection comptable, etc. Toutes les étapes classiques avant de se lancer. Ce qui est propre à Auxilia, ce sont des modules dédiés à la prise en compte des enjeux écologiques et sociaux dès l’élaboration du projet. Si les porteurs de projet commencent à naturellement prendre en compte les circuits courts, le zéro déchet, l’utilisation de matériaux recyclés ou la mutualisation de transports, tout cela peut encore leur paraître coûteux et complexe, alors que ça ne l’est pas forcément. Pour faire sauter ces obstacles, on a mis sur pied un jeu : en réalité, on se rend compte que la prise en compte des enjeux écologiques peut parfois rendre leur projet plus simple !
Les porteurs de projets sont entourés par des « coachs » bénévoles, c’est-à-dire des personnes du territoires experte de l’entrepreneuriat et de la création d’entreprise, que nous recrutons via divers canaux : les chambres consulaires (les chambres de commerce et chambres de métier), des organismes semi publics qui nous adressent pas mal de monde ; Pôle emploi, qui connaît beaucoup de personnes qui ont créées ou sont en train de créer une entreprise ; des réseaux d’accompagnement associatifs, régionaux ou départementaux, comme France Active ; puis, enfin, des partenaires privés, banques, assurances, experts-comptables, agences de communication, graphistes – toutes personnes qui pourraient transmettre son expertise à un·e créateur·rice d’entreprise.
Les porteurs de projets sont aussi accompagnés par ce qu’on appelle des « équipiers », c’est-à-dire des étudiant·es localement issu·es des BTS, universités et écoles. On a vu de belles histoires : une équipière est par exemple devenue alternante dans un commerce puis a fini par y être embauchée !
Comment trouvez-vous les porteurs de projets ?
Dans un premier temps, grâce aux partenaires que je viens de mentionner – chambre consulaire, Pôle emploi, etc. – qui voient tous les jours des personnes qui veulent créer des entreprises. Aussi, les villes organisatrices font un gros effort de communication physique (affiches, banderoles, abribus), ce qui permet de recruter des porteurs de projet. Enfin, la presse quotidienne régionale est aussi d’une grande aide : depuis le début, plus de mille articles de presse sont parus à propos du programme et chaque événement fait l’objet d’un communiqué de presse. Cela nous permet de rendre l’événement visible auprès de personnes qui ne sont pas forcément dans les réseaux d’accompagnement ou qui ne sont pas identifiées par les équipes de la ville parce qu’elles viennent par exemple d’emménager dans le coin.
Pour préparer un événement, on lance par ailleurs une enquête de consommation pour récolter les envies et les besoins des habitant·es. On leur demande comment ils se déplacent en ville, combien ils dépensent quand ils vont dans un magasin par exemple, ce qui les fait rentrer dans un magasin, ce qui manque dans leur centre-ville, etc. Cela permet de faire correspondre au mieux les besoins et les projets. C’est également un moyen de faire connaître le dispositif et de trouver des habitant·es susceptibles de porter un projet.
Comment se clôture cette journée et demie ?
Les participant·es présentent leur projet en trois minutes devant un jury majoritairement composé d’élu·es et de commerçant·es, généralement entre 5 et 8 personnes choisies par la collectivité organisatrice. Le jury évalue chaque projet selon une grille de notation bien précise, reprenant l’ensemble des points vus et travaillés lors du concours, puis remet des prix proposés par les partenaires de l’événement. La Ville offre le premier prix, souvent trois à six mois de loyer, ce qui est essentiel quand on se lance. Les banques partenaires remettent des aides financières et les chambres consulaires proposent des formations. leboncoin, de son côté, remet systématiquement, via un concours sur les réseaux sociaux, 1 250 € de publicité géolocalisée, ce qui est un gros coup de pouce pour le projet lauréat.
Que deviennent les projets à l’issue de l’événement ?
A l’issue de l’événement, un projet sur deux s’installe. Parmi ceux-là, 86 % sont encore en place après 3 ans. Les porteurs de projets sont à 60 % des porteuses de projet.
Les commerces qui ouvrent sont principalement des commerces de bouche, de la restauration, des commerces de culture et de loisir, ou des boutiques d’équipement de la personne ou de la maison. On a aussi souvent des fleuristes et des artisan·es, ainsi que beaucoup de métiers du bois, comme des ébénistes.
L’offre « incroyable » s’est étoffée… ! Peux-tu nous en dire plus ?
On s’est petit à petit rendu compte que le dispositif pouvait s’étendre à d’autres enjeux. On est en cours d’expérimentation avec le Syndicat mixte de la vallée du Lot, dans le Lot-et-Garonne : cinq événements à thème sur deux ans. On a commencé par un événement classique autour du commerce, puis par un événement autour du tourisme. Le prochain portera spécifiquement sur les projets alimentaires – pas uniquement de la restauration, mais aussi sur des coopératives, des associations de producteurs ou de gestion des déchets par exemple, l’idée étant de faire émerger des solutions cohérentes avec la transition alimentaire. Puis, à un horizon plus lointain, il est prévu d’en organiser sur les offres culturelles et patrimoniales puis, enfin, sur le bien-vivre et bien-vieillir.
Une première boutique vient d’ouvrir ! Peux-tu nous raconter ?
Tout à fait, c’est très récent, nous venons d’inaugurer notre première boutique « incroyable commerce » à Vitry-le-François, dans le département de la Marne. C’est un peu la suite logique du processus. C’est une boutique partagée pour des commerçant·es et des artisan·es afin de tester leurs projets. Ils et elles disposent d’un loyer très réduit et d’une période de test allant de trois mois à un an.
Partager le local leur offre un avantage non négligeable : pas besoin d’être toutes et tous présent·es en même temps en permanence. Cela permet à celles et ceux qui en ont besoin de continuer à produire… tout en ayant un espace de vente qui tourne – alors que c’est souvent un écueil que l’on observait lors des événements organisés avec les villes. La boutique leur permet également de ne pas être seul·e, la solitude étant l’une des principales difficultés que rencontre les commerçant·es au quotidien.
On ambitionne d’ouvrir d’autres boutiques du même genre ailleurs en France. En plus de la boutique, des formations sont aussi proposées : disposition de la vitrine, communication, finances, etc. Le but bien sûr, c’est que si ça fonctionne, les commerçant·es et artisan·es ouvrent un local dans le centre-ville sans notre aide. L’incroyable boutique est vraiment pensée comme une phase transitoire de test.
Propos recueillis par Bastien Marchand, consultant – Doctorant en redirection écologique.
Newsletter conçue par Margot Rat-Patron, consultante et toute l’équipe.
Retrouvez la newsletter complète en suivant ce lien.