L'édito mai 2024

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Eclairer, partager, décloisonner, surprendre les nouvelles tendances, décrypter les signaux faibles…, autrement dit « Réveiller nos futurs », la proposition de la newsletter d’Auxilia. Prospective et réaliste, nous l’avons imaginée comme une source d’inspiration pour les territoires et les structures que nous accompagnons, quels qu’ils soient.

Elargir la focale : les bonnes recettes climatiques

Votre interlocuteurSamuel SAUVAGE

Samuel SAUVAGE

Directeur de projets Economie circulaire et Numérique responsable
Votre interlocuteurQuentin HERBET

Quentin HERBET

Chef de projets Senior Energie & climat

Ce numéro de Mai de « Réveiller nos futurs », la newsletter d’Auxilia traite de la question des bilans carbone au coeur des organisations à travers une interview de Quentin Herbet réalisée par Samuel Sauvage, tous deux chez Auxilia.

Quentin Herbet, chef de projets Energie & climat depuis de longues années à Auxilia, pilote la réflexion autour des bilans carbone depuis 2019, tout en menant par ailleurs des missions d’adaptation au changement climatique. Il nous livre ici ses réflexions sur l’actualité de ces démarches.

élaboration de bilans carbone,« passage obligé » pour les organisations ?

Je coordonne un petit groupe de consultants agréés Bilans Carbone et référencés par la BPI (banque publique d’investissement). Nous constatons que ces démarches sont devenues une évidence pour de nombreux acteurs. De notre côté, nous accompagnons aussi bien des clients publics (dix écoles d’art décoratif de France par exemple) comme privés (structures du Groupe SOS notamment).

Il me semble que les bilans carbone permettent d’aborder à la fois la fonction sociétale de l’organisation mais aussi de rentrer dans le détail et d’analyser finement les pratiques et habitudes ancrées dans les organisations. C’est très concret ! Mais pour nous, il s’agit avant tout d’une première étape pour les emmener ensuite vers une stratégie et un plan d’actions. C’est là que réside notre plus-value, avec le déploiement de processus d’intelligence collective et d’accompagnement du changement. On parle d’ailleurs plutôt de stratégie bas-carbone que de Bilan Carbone dans nos missions.

Toutefois, nous n’accompagnons pas tout type d’acteur : nous sommes très vigilants à la sincérité des démarches avant de proposer un accompagnement. En effet, on déplore que le bilan carbone soit parfois utilisé pour ne traiter que « l’épaisseur du trait », certaines organisations fermant la porte à toute remise en question de leur cœur d’activité lorsque celui-ci est incompatible avec un monde 2°C.

pourquoi t’intéresses-tu aussi à l’adaptation du changement climatique ?

Il est vrai que les stratégies d’adaptation au changement climatique sont extrêmement intéressantes et apportent des changements organisationnels parfois très forts, mais ce sont tout de même des démarches qui poursuivent des objectifs bien différents. Ce n’est d’ailleurs pas complètement nouveau pour nous, car ces questions étaient déjà intégrées aux Plans Climat que nous accompagnions depuis des années dans les territoires.

Dans ces démarches d’adaptation, on part d’une analyse de l’exposition à des aléas climatiques, en la croisant avec la sensibilité à ces aléas, pour déterminer la vulnérabilité d’un territoire. A partir de là, et en fonction de ce qu’on souhaite préserver, nous travaillons avec les collectivités à prioriser les actions, comme nous le faisons avec les villes de Saint Denis ou Besançon. Par exemple, comment s’adapter spécifiquement à l’aléa canicule ? Cela induit des réponses, comme celle de devoir aérer la nuit dans les écoles, qui en entraînent d’autres, telles que la sécurisation des bâtiments. Pour les structures privées, la priorisation est moins sujette à des dimensions politiques et renvoie davantage à des considérations économiques (approvisionnements, continuité de l’activité, chaîne de valeur…).

Dans nos préconisations, nous mettons souvent l’accent sur les solutions comportementales ou basées sur la nature, plutôt que sur celles qui misent sur les infrastructures, car ces dernières posent des problèmes de réversibilité voire, dans certains cas, de risques de maladaptations.

Les collectivités ont-elle pris du retard sur le sujet ces dernières décennies ?

Malheureusement, le changement climatique constitue une contrainte diffuse, le plus souvent impalpable, plurifactorielle, complexe (avec des aléas directs et indirects), perçue comme lointaine (décalage avec le temps « politique » et « économique »). Les « vagues » répondent plutôt à la survenue de crises « aigue », comme les canicules ou les sécheresses en 2022 puis l’an dernier. Et puis, il faut le dire, les crises sanitaires puis géopolitique ont mis sur le devant de la scène le concept de « résilience », de gestion des risques, qui se rapproche de celui de l’adaptation.

Si ces évènements sont des opportunités pour mettre l’adaptation au changement climatique à l’agenda, il est vrai qu’il existe un retard de prise de conscience. De nombreux territoires, notamment littoraux, n’ont pas encore pris la mesure de l’enjeu, car cela nécessite du courage politique, c’est le cas aussi par exemple quand on touche aux filières agricoles. Cela nécessite de se doter d’une véritable vision territoriale !

Politiques d’atténuation ou d’adapation, quels enseignements en tires-tu ? 

Mon expérience récente sur les bilans carbone comme sur les démarches d’adaptation m’amène à deux types de préconisations, que je vous partage, et qui pourraient sans doute être complétées par d’autres points de vue.

D’abord, dans les deux cas, il est essentiel d’élargir le périmètre de réflexion, qu’il soit géographique ou économique.

Je m’explique : pour une collectivité, elle doit élargir la focale à l’échelle de l’ensemble des parties prenantes de son territoire, et même des territoires voisins, car les interdépendances sont fortes. De la même manière, pour une organisation, il s’agit de réfléchir aux interactions avec les fournisseurs, les clients, les services publics, les éléments non-humains, pour éviter toute action contreproductive à long terme. C’est assez proche de ce que nous prônons aussi sur les démarches d’écologie industrielle et territoriale, et c’est l’approche la plus pertinente.

La seconde préconisation réside sur la cohérence à assurer entre ces deux objectifs.

Quel sens y aurait-il à atténuer les impacts d’une activité inadaptée au monde de demain, par exemple adapter les courses automobiles au changement climatique ? Pourquoi perdrait-on du temps à adapter au changement climatique des activités qui aggravent ce dernier et doivent simplement disparaître ?

Nous avions eu un exemple de ce type avec un projet de construction d’une zone d’activités proche d’un aéroport, soi-disant exemplaire, symbole d’économie circulaire, mais qui devait se baser sur l’artificialisation des terres et qui misait sur le déploiement du transport aérien. Par souci de cohérence, nous avions à l’époque refusé d’accompagner ce projet. En effet, les démarches d’atténuation et d’adaptation doivent être réfléchies ensemble, dans une optique de bifurcation écologique, sinon elles perdent tout leur sens.

Propos recueillis par Samuel Sauvage.
Pour en savoir plus sur Quentin Herbet
Newsletter conçue par Margot Rat-Patron, cheffe de projets Energie & climat et toute l’équipe. Bravo Margot 😉

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