L'édito mars 2023

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Éclairer, partager, décloisonner, surprendre les nouvelles tendances, décrypter les signaux faibles…, autrement dit « Réveiller nos futurs », la proposition de la newsletter d’Auxilia. Prospective et réaliste, nous l’avons imaginée comme une source d’inspiration pour les territoires et les structures que nous accompagnons, quels qu’ils soient.

Le design et la prospective sont des leviers de l’accompagnement du changement.

Votre autriceMargot RAT-PATRON

Margot RAT-PATRON

Cheffe de projets Energie & climat
Votre autriceJennifer FERRERO

Jennifer FERRERO

Partenaire Designer de services & d'expérience

Inventer le label écotouristique de demain, imaginer la chambre d’EHPAD du futur, penser l’avenir de l’assurance-habitation… On a discuté avec la designer Jennifer Ferrero, qui organise des « FutureCamps » au sein de l’expertise « Accompagnement du changement » d’Auxilia.

Tu es designer, rattachée l’expertise « Accompagnement du changement » d’Auxilia. Comment ces deux disciplines s’articulent-elles dans ta pratique ?

Le cœur de l’expertise, c’est l’accompagnement au changement. Le design — et la prospective, d’ailleurs ! — sont à son service. Le design et la prospective sont des leviers de l’accompagnement du changement, ils viennent en soutien à cette démarche.

Chez Auxilia, le design peut prendre plusieurs formes, qui ont tendance à se diversifier de plus en plus :

  • Un design de services et d’expériences, dont les missions sont de plus en plus en plus matures car les collectivités territoriales comprennent mieux son intérêt pour (re)penser la place de l’usager final dans leurs démarches, en impliquant toutes les parties prenantes ;
  • Un design prospectif, pour élaborer des scénarios stratégiques, que le design contribue à rendre plus immersifs, mieux adaptés aux usages et aux modes de vie des situations sur lesquelles on se penche ;
  • Un design d’organisations, qui consiste à prototyper des nouvelles formes organisationnelles plus à mêmes de répondre aux enjeux auxquelles les collectivités font face ;
  • Etc.

pourquoi le changementdevrait-il être accompagné ?

Sans tomber dans le mot d’ordre « il faut s’adapter ! », la situation écologique actuelle nous oblige à modifier nos modes de vie. Chez Auxilia on s’interroge sur les manières de rendre ces changements acceptables, ce qui revient, selon nous, à une question d’appropriation. Dans nos méthodes, on mobilise toujours les parties prenantes pour qu’elles s’approprient, grâce au design, ce changement, qu’elles en soient actrices.

la notion « d’accessibilité »est vivement critiquée, les citoyennes et les citoyens sentent bien qu’elle recouvre plutôt des tentatives de passages en force, comme l’a récemment montré l’historien Frédéric graber avec son livre Inutilité publique (éditions Amsterdam, 2021)

C’est vrai et c’est exactement pour cette raison qu’on a imaginé ce qu’on appelle des FutureCamps. Ce format a été inspiré des BarCamps, des ateliers non descendants et très participatifs, où les participant·es choisissent ce sur quoi ils ou elles souhaitent travailler. En ce sens, l’esprit des BarCamps diffère des ateliers traditionnels où les sujets de discussion et de travail sont imposés. Chez Auxilia, les FutureCamps sont en quelque sorte des BarCamps prospectifs articulés autour d’espaces libres, des « stands », où chacun·e vient contribuer à la hauteur de ses possibilités et disponibilités. Il n’y a pas du tout de phase descendante, c’est un espace créatif et participatif.

ET Concrètement,comment les futurecamps se déroulent-ils ?

On accompagne sur une démarche de prospective stratégique la Fédération Française des Stations Vertes, un label écotouristique qui promeut les destinations touristiques vertueuses. Pour mettre en débat la stratégie de la fédération, on a organisé un FutureCamp qui a réuni 180 personnes : des acteurs et actrices du tourisme, des collectivités labellisées, etc. On a essayé de mobiliser un large panel de parties prenantes. Les participant·es pouvaient naviguer à travers plusieurs stands — qui prenaient des formes diverses comme des fresques ou des scénarios sur lesquels se positionner —, pour faire part de leur perception du label, de leurs expériences en matière touristique et de leur vision stratégique quant à l’avenir du tourisme en général. C’est un moment de collaboration, qui permet à toutes et tous, expert·es ou non, de contribuer. Ici, le rôle d’Auxilia est de garantir le recueil de la parole et de faciliter les échanges. À l’issue du camp, on a donc entendu une large gamme de points de vue et de perspectives.

AVEC CES Matériaux,que faites-vous ?

On restitue les échanges de manière brute, puis on les consolide pour en produire une analyse plus fine, qu’on rend compte au commanditaire. Souvent, des scénarios prospectifs sont construits afin d’identifier un certain nombre de chemins stratégiques, souhaitables ou non. Parfois, il peut y avoir des conceptions matérielles.

c’est à dire ?

À Aix-les-Bains par exemple, on prototype une chambre d’EHPAD de demain pour personne très dépendante, en perte de repères cognitifs, etc.

Tout est parti d’un FutureCamp organisé avec des médecins, des infirmières, des résident·es, des élu·es, des familles aidantes, etc. Les participant·es ont tout de suite partagé une même envie d’améliorer la situation, donc la démarche s’est avérée très féconde. C’est là tout l’apport du côté prospectif : il apporte un désir commun de progression. On a par exemple fait écrire aux participant·es des lettres d’amour et des lettres de rupture : « Pourquoi ne voulez-vous plus entendre parler de l’EHPAD ? », « Qu’appréciez-vous dans votre chambre ? », etc. C’est une manière de libérer la parole, avec des exercices moins scolaires, moins imposants.

Le but final de la démarche, c’est de réaliser un prototype à l’échelle 1:1, en collaboration avec des architectes, des designers et des paysagistes, puisqu’on va aussi concevoir le paysage autour de la chambre. Cette phase de prototypage va nous permettre d’aller au-delà de simples préconisations, d’expérimenter, de tester, d’observer, de documenter et de corriger.

LES FUTURECAMPS SE Prêtent-ilsà d’autres enjeux, peut-être plus vastes ou moins matériels ?

Bien sûr. On travaille actuellement avec la MACIF. L’assurance est un secteur en plein bouleversement qui va devoir se renouveler pour continuer à exister : les crises écologiques rognent les présupposés sur lesquels il repose, on voit des assureurs se retirer de certaines zones ou cesser d’assurer certains risques. En particulier, l’assurance-habitation soulève des controverses : faut-il par exemple continuer à assurer des personnes qui souhaitent habiter près du littoral, alors que le trait de côte recule ?

Avec ce commanditaire, donc, et pour réfléchir à ce que voudra dire « habiter » à l’avenir, on organise un FutureCamp avec des architectes, des collapsologues, des assureurs, etc. Le but sera de se poser des questions importantes. Comment habitera-t-on ? Quelles seront les formes d’habiter et les formes d’habitat ? Comment seront nos logements ? Poser ce genre de questions, imaginer le futur du logement, ce sont des manières d’aller chercher d’autres formes assurantielles.

Propos recueillis par Bastien Marchand, consultant – Doctorant en redirection écologique. Newsletter conçue par Margot Rat-Patron, consultante et toute l’équipe.

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